A la demande de la Ville, SheOne et O.Two reviennent à Niort du 3 au 6 novembre pour graffer le mur à l'entrée du CAC. Cette commande artistique s'inscrit dans une programmation culturelle plus large dédiée au graff jusqu'en décembre.
- Vous voyagez dans le monde entier, pourquoi cette escale à Niort ?
SheOne : Nous sommes venus ici pour la première fois en 2002, invités par Eric Surmont (NDLR : conseiller artistique), pour le festival hip hop. Nous avions notamment participé à un graffiti jam’ en public. C’est un très bon souvenir. Depuis Niort fait partie de notre histoire.
O.Two : Il s’agissait de ma première exposition. Depuis, j’ai participé à plusieurs graff sur Niort (NDLR : à la salle de concerts du Camji, le mur du parking Bessac…)
- Comment expliquez-vous que Niort encourage et aime le graff à ce point ? C’est souvent l’apanage des grandes métropoles…
Eric Surmont : En l’occurrence, cela correspond à une volonté municipale. Par ailleurs, je pense que le grand mur du Moulin du Roc agit comme un moteur pour les autres projets.
SheOne : Il est inhabituel pour nous de graffer dans des endroits publics très visités. Ici, nous travaillons au cœur du public, qui nous accepte bien. C’est une ville très positive à cet égard. A Londres, cet aspect touristique et naturel du graff a mis du temps à s’installer.
- Comment avez-vous été choisis pour refaire la fresque du Moulin du Roc ?
O.Two : Sûrement parce que notre travail s’adresse à tout le monde, à toutes les générations. Nous travaillons sur des formes abstraites, des couleurs. Ainsi nous dépassons les barrières du langage.
SheOne : Nous avons déjà réalisé plusieurs oeuvres à Niort. Elles ont plu et nous avons été choisis par la Ville pour notre style. Il nous a été demandé d’ajouter de la couleur, de la gaieté à nos travaux habituels.
- Comment préparez-vous un projet comme celui-ci ?
SheOne : Nous avons profité d’un récent séjour à Niort pour passer du temps près de ce coin stratégique et très passant de la ville. Ceci pour nous imprégner de l’endroit, pour voir les gens. Puis nous avons parlé du projet entre nous une fois rentrés à Londres. (NDLR : une réunion publique avec les Niortais est organisée le 30 septembre au Moulin du Roc).
O.Two : Notre processus de création comprend autant de travail prévu que d’impulsion naturelle, de feeling pur. Mais pour ce projet nous avons proposé une maquette d’intention à la municipalité.
- Combien de temps va prendre la réalisation de la fresque ?
Eric Surmont : Il faut compter de trois à quatre jours de travail (NDLR : entre le 4 et le 6 novembre, le 7 s’il y a des intempéries). Ils vont devoir faire face à des contraintes techniques propres au lieu. Ils travailleront sur une nacelle électrique. Il faut surtout éviter l’échafaudage fixe qui gène la fluidité des lignes.
- Ensemble vous avez fondé le Rockgroup. La musique a-t-elle beaucoup d’importance dans votre travail ?
SheOne : Oui une très grande importance. Il y a dix ans nous avons fondé cette entité car nous avons la même vision artistique qu’un groupe de rock, la même façon de fonctionner. Nous voulons retranscrire l’énergie qui règne pendant les tournées. D’autres artistes ont voulu nous rejoindre sur ce thème mais nous avons refusé, cela nous appartient à tous les deux.
- Parce que vous avez des goûts musicaux très proches ?
O.Two : Nous écoutons des choses différentes, mais nous avons beaucoup de goûts en commun. Nous adorons le métal et le rock : des groupes comme « Queens of the Stone Age », « Sonic Youth », « Motor Head »
SheOne : Souvent nous avons une bande originale pour peindre. La musique a une grosse influence sur nous. Nous transférons l’énergie de la musique sur le mur.
- Comment faites-vous pour travailler à deux ?
SheOne : Nous avons des styles très différents mais très complémentaires. Nous nous rapprochons de façon instinctive. Concrètement, sur une œuvre, nous travaillons chacun de notre côté tout en ayant toujours à l’esprit la cohérence de l’ensemble. Nous savons globalement comment nous allons nous rejoindre.
Eric Surmont : Le mur de Bessac que nous avons graffé cet été est intéressant à cet égard. En le regardant attentivement on distingue bien les deux styles. Ils ont chacun une façon de travailler leurs lettrages. Ils n’utilisent pas les mêmes angles. Seul le fond est commun, une surface vaporeuse qui indique une direction.
- Pourquoi avoir choisi ces pseudonymes ?
O.Two : Pour moi c’est juste qu’il ne ressemble pas à celui des autres graffeurs.
SheOne : Le mot une consonance asiatique qui me plait bien. Et puis j’avais envie que mon nom soit mystérieux, qu’il crée de la confusion, provoque des questions sur l’identité. Par exemple, à cause du « She » beaucoup de personnes croient que je suis une fille.
Eric Surmont : Je confirme. Car quand je t’ai contacté la première fois je cherchais une graffeuse sur le net.
SheOne : De toute façon cette notion de nom n’est pas si importante en tant que telle. Elle sert juste à propager notre style de travail. Parfois nous ne signons même pas car nous estimons que ce n’est pas nécessaire, que l’œuvre suffit à nous identifier. Ou alors on écrit James and James (NDLR : leurs vrais prénoms). Au contraire de beaucoup de graffeurs qui ne laissent rien d’autre que leur nom.
O.Two : Nous avons commencé le graffiti lorsque nous étions adolescents. On ne se posait pas de questions à l’époque. Aujourd’hui nous savons que nous espérons laisser une trace pour la postérité. Notre signature est comme un nom de scène.
Eric Surmont : Sur le mur de Bessac, toujours, ils ont signé dans l’œuvre même. Si on regarde bien on peut lire « James » et « SheOne » dans leurs styles très caractéristiques. Ici le nom devient le sujet même de l’œuvre mais il est tellement déformé qu’on ne le distingue plus vraiment. C’est pour cela que SheOne dit très joliment « qu’il se promène dans l’ombre de son pseudo ».
Propos recueillis par
Karl Duquesnoy