Invité du Regards noirs, l'écrivain Jean-Hugues Oppel était à Niort du 22 au 30 novembre, puis reviendra du 22 au 26 janvier pour animer des ateliers d'écriture dans 17 classes de collèges et lycées et auprès des détenus de la maison d’arrêt. L'auteur écrit des polars depuis les années 80 et a publié une quinzaine de romans pour adultes et autant pour le jeunesse.
- Vous intervenez à Niort auprès de collégiens, de lycéens et aussi auprès de détenus à la maison d’arrêt. Quel travail menez-vous avec ces derniers ?
Jean-Hugues Oppel. Exactement le même qu’avec les 5e, 4e, 3e. Je propose d’explorer l’écriture du polar, de la fiction. A la petite différence que par rapport à une salle de classe, les gens que j’ai en face de moi à la maison d’arrêt sont un peu plus qualifiés. Il s’agit d’inventer une histoire qui peut s’appuyer sur un vécu. Mais le côté documentaire n’est pas le plus important. Certains vont écrire avec un côté détaché, humoristique. Pour d’autres, ça peut être une réflexion sur "pourquoi j’ai fait ça ?", "qu’est ce que ça a comme conséquence ?
Le but c’est d’approcher la création et de voir que c’est pas si compliqué, du moins sur la ligne directrice de l’histoire. La travail avec les mots est plus difficile, je fais un peu de théorie et un petit jeu. Le jeu est un peu compliqué en prison : il faut que je fasse sortir deux personnes de la pièce. A Niort, ça a pu se faire, le personnel était vraiment sympa.
- Vous avez publié une quinzaine de livres pour la jeunesse. Sont-ce des polars comme les autres ?
Jean-Hugues Oppel. Pire ! Les adultes vous êtes beaucoup trop sensibles et trop fragiles, donc il faut que j’y aille doucement. Les petits sont très solides. Avec eux, on peut égorger la baby-sitter, pousser les vieilles dames des avions, mettre le feu partout... Après les parents viennent me tirer les oreilles.
Sérieusement, les polars pour la jeunesse c’est majoritairement ce que j’appelle le suspense. Parce que l’enquête, ou c’est très compliqué et ils se perdent et moi aussi. Ou alors c’est trop simple et ça ne m’amuse pas. Donc je suis plutôt dans le côté "jouons à nous faire peur". Mais c’est presque les mêmes thèmes. On peut parler d’injustices. Je fais un polar sur les magouilles immobilières, je peux en parler en jeunesse aussi. Je n’en parlerai pas de la même manière, parce qu’ils ne sont pas au courant de tout. Mais ils ne vivent pas retirés du monde...
- Est-ce que ce sont forcément des romans qui finissent bien ?
Jean-Hugues Oppel. Oui, mais non pour une question de morale. Il faut que ça finisse bien pour ne pas désespérer le lecteur. Comme je sais comment ça va se terminer, avant le héros va beaucoup souffrir. Des jeunes me disent "Monsieur, ce serait bien si le héros mourait." C’est pas vrai, il seraient effondrés Il n’ont pas encore la maturité. Mais je ne fais pas de faux happy end. Dans beaucoup de littérature jeunesse, tout le monde s’en sort et tout va bien. Ça, je n’aime pas, c’est les prendre pour des crétins.
- Quelle est votre définition du polar ?
Jean-Hugues Oppel. Ma définition du polar ? C’est pas le Cluedo, c’est pas le roman policier. Ça peut ne rester qu’un jeu littéraire d’énigme et de mystère, et ça m’intéresse moins. Je dirais que c’est un genre littéraire qui s’intéresse aux gens qui font de mauvaises choses pour de bonne raisons. Ou le contraire : parfois, de bonnes choses pour de très mauvaises raisons.
Je l’ai découvert ces deux dernières années avec deux films : Frozen River, un film américain réalisé par une femme, Courtney Hunt. Ça se passe au Nord du Dakota, à la frontière côté Canada. L’héroïne, deux enfants à charge, un mari parti avec les économies, fait passer des clandestins pour les Etats-Unis dans le coffre de sa voiture. Donc elle fait de mauvaises choses mais pour de bonnes raisons. C’est pas la solution. Mais on est en empathie avec elle.
L’autre film est sorti deux ans après : Winter bones. C’est aussi un film de femme... L’héroïne, la grande sœur, va faire de très bonnes choses pour de très mauvaises raisons. Ça c’est exactement le polar.
Il y a un 3e film que j’adore aussi : On the ice, qui se passe en Alaska. Des jeunes dans une situation particulière ont dix secondes pour prendre la bonne décision. Ce film raconte comment ça peut basculer à n’importe quel moment. Et qu’est-ce qui se passe quand ça bascule ? Dans le polar il n’y a pas de sujet tabou. On pose des questions, tout en faisant passer un bon moment aux lecteurs.
- Votre prochain livre parait en février chez Rivages. Son titre : Vostok, du nom de lastation russe en Antarctique. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Jean-Hugues Oppel. C’est un livre obsessionnel et un livre de survie, commencé dans les décombres de ma voiture lors d'un accident. Le temps que les pompiers viennent vous désincarcérer, on a le temps de réfléchir à plein de choses. J’ai découvert la station Vostok en faisant des recherches pour un autre livre. C’est en Antarctique, le record de canicule en été c’est moins 12°C. Et c’est un endroit magique, où on a découvert à moins 4000 mètres un lac glaciaire, et l’eau a des millions d’années, c’est l’eau des origines… Ce livre m’a guéri de cette obsession antarctique.
Maintenant je m’en suis trouvé une autre : la physique quantique. Je ne comprends absolument rien aux maths. J’ai découvert la théorie du chat de Schrödinger. Cette théorie, c’est l’état où le chat peut être à la fois mort et à la fois vivant. Ca me fascine. Je n’ai toujours pas compris, mais métaphoriquement, je crois qu’au niveau polar il y a quelque chose à faire.
Propos recueillis par Véronique Duval
(Le 28 novembre 2012)
Liste des établissements scolaires qui accueillent Jean-Hugues Oppel :
Lycées de la Venise-Verte, Jean-Macé, Paul-Guérin, lycée horticole.
Collèges Fontanes, Gérard-Philippe, Jean-Zay, Rabelais et Saint-Exupéry.