Engazonnement, plantations et semis : la conservation des cimetières agit pour réduire l’usage des produits phytosanitaires.
« Jusqu’aux années 50, nos cimetières étaient entretenus par la main de l’homme, qui régulait la végétation avec la binette et quelquefois la faux. » Dominique Bodin est conservateur des cimetières niortais depuis 37 ans. Il raconte : « Mes prédecesseurs m’expliquaient qu’il n’était pas rare, il y quelques décennies, de voir des tas de foin dans le cimetière et d’y croiser les papis venus ramasser des lumas. »
Après-guerre, l’apparition des herbicides a contribué à transformer le cimetière en un lieu minéral. « Le regard des usagers a changé et toute présence de végétation dans les cimetières est devenue indésirable. Mais en la supprimant, on a supprimé en même temps toute la biodiversité, animale et végétale. »
Depuis plusieurs années, on mesure les dégâts causés par l’utilisation excessive de ces produits phytosanitaires tant sur la qualité de l’eau, sur la biodiversité que sur la santé publique et sur celle des professionnels. Les règles ont aujourd’hui changé. « Il faut peu à peu inverser la tendance pour redonner vie à nos espaces funéraires », souligne le conservateur. La démarche n’est pas simple. Elle implique de changer notre regard. Et de se doter des moyens, techniques et humains, de cette alternative.
Réduction de l'usage chimique
Dans le sillage de Versailles, Fontainebleau, Nantes ou Angers, Niort a entamé depuis 2011 une telle démarche. La Ville a réduit de plus de 30 % l’usage des substances chimiques dans ses espaces funéraires. Les tests ont commencé dans le cimetière ancien, rue de Bellune : la partie droite, que Dominique Bodin surnomme « mon petit Père-Lachaise, » est entretenue sans pesticide et entièrement végétalisée. « Nous avons aussi engazonné tous les espaces non attribués des cimetières Buhors, Grand-Croix,Vieux-Souché » poursuit le conservateur. Il prévoit cette année de semer du gazon dans les cimetières autour de l’église de Saint-Florent. Les premiers tests ont suscité des réactions contrastées des usagers : « Quelques-uns ont associé la présence du végétal à un manque d’entretien. D’autres ont souligné l’intérêt et le bien-fondé de la démarche. »
Des fleurs et des arbustes
Les essais se sont poursuivis avec la plantation de bulbes, de plantes couvre-sol et le semis de prairies fleuries. Un schéma directeur est en cours d’élaboration au bureau d’études des espaces publics. « La population accepte mieux la végétation si on trouve aussi des fleurs, des arbustes. Mais dans un premier temps, ce serait bien de pouvoir tout engazonner, » indique Eve-Marie Ferrer, la technicienne qui conduit cette étude. Les agents sont aujourd’hui convaincus de la pertinence de la démarche. « En honorant nos morts, on peut aussi respecter les vivants et le cadre de vie des vivants, » conclut le conservateur. À l’heure de partir en retraite, il se prend à rêver d’une démarche étendue au-delà des limites communales. Peut-être, dans quelques années, pourrons-nous à nouveau ramasser des lumas dans ces lieux de mémoire.
En chiffres
- 12 cimetières communaux
- 20 ha de superficie totale
- 20 000 concessions en tout (inhumations et urnes)
- 60 000 à 65 000 personnes y reposent (l’équivalent de la population niortaise)
- 15 agents au service de conservation des cimetières (4 agents administratifs et encadrement et 11 agents techniques polyvalents sur l’ensemble des cimetières et du crematorium).