La jussie colonise rivières, canaux et fossés au point d'asphyxier le milieu. L’Institution interdépartementale du bassin de la Sèvre niortaise (IIBSN) contient sa prolifération par deux arrachages annuels.
Sèvre, Mignon, Autize… voient se propager cette plante invasive venue d’Amérique du sud qui asphyxie le milieu, ruine toute vie aquatique et entre en concurrence avec les espèces indigènes. Introduite en France au XIXe siècle, la jussie a trouvé sous nos latitudes les conditions favorables à sa prolifération. Laquelle a été jugée préoccupante pour nos zones humides, il y a 40 ans environ. « Le moindre fragment, la moindre graine donneront une plante, puis un herbier qui envahira petit à petit les cours d’eau. Un herbier de 1 m2 au printemps s’étendra sur 10 m2 à l’automne si on ne fait rien, » explique Nicolas Pipet, technicien à l’IIBSN, en charge de la régulation de la jussie.
Jusque dans le petit chevelu
Dix agents œuvrent à l’arrachage manuel de la plante. De mai à novembre, les équipes effectuent deux passages sur 1 300 km de rives, au printemps et à l’automne. Leur champ d’action : la zone humide du Marais poitevin ; la Sèvre, de Niort à Marans ; le canal du Mignon, du port de Mauzé au marais de Bazoin ; les Autize ; les réseaux secondaires utilisés par la batellerie, les ceintures du marais. « Depuis quelques années, nous entrons jusqu’au réseau tertiaire collectif, c’est-à-dire les 300 km du petit chevelu qui assure les connexions du réseau secondaire » précise Nicolas Pipet.
Direction compost
70 à 80 tonnes de plantes sont collectées chaque année, un volume qui varie en fonction des conditions météo. « La prolifération dépend de la qualité de l’arrachage précédent et des conditions météo. Plus il fait chaud, plus la jussie se développe, surtout dans les zones d’eau stagnante ».
Les plantes arrachées sont portées à la station de compostage du vallon d’Arty, à Niort. Un maraîcher bio de Saint-Hilaire-la-Pallud, en récupère une partie pour faire un compost de qualité. Elles trouvent, enfin, une valorisation agricole par épandage et broyage pour constituer un engrais direct.
Note à l'attention des particuliers
Depuis 8 ans, l’IIBSN doit faire face à une adaptation terrestre de la jussie qui pourrait vite devenir préoccupante. En à peine 3 ans, la plante a déjà colonisé 5 ha d’un marais communal à Lairoux-Curzon (Vendée). Dans la Brière (Loire-Atlantique), ce sont 600 ha qui sont ainsi envahis, sans solution pour freiner sa prolifération. « Autant on maîtrise bien l’arrachage en milieu aquatique, autant sur terre on a tout essayé et ça reste très compliqué ».
L’IIBSN invite les particuliers à ne pas arracher eux-mêmes la jussie, ne pas emporter de boutures chez eux et de signaler à l’institution une zone envahie. Une plaquette a été éditée expliquant l’attitude à tenir face à la plante.
220 000 € par an
L’IIBSN consacre 220 000 € chaque année à l’arrachage de la jussie. Des fonds en provenance des trois départements (79, 85 et 17), de l’agence de l’eau Loire-Bretagne, de communes et intercommunalités, la Région, l’Europe, les fédérations et associations de pêche…
« C’est beaucoup d’argent, mais les résultats sont très bons. On est contraint de ne jamais arrêter car on n’arrivera jamais à l’éradication de la plante. On contient sa prolifération. On le fait pour le maintien de la biodiversité, le bon fonctionnement hydraulique de la zone humide, pour la navigation, la pêche, le maintien des usages et des activités. Pour le milieu en lui-même, qui est assez remarquable » conclut Nicolas Pipet.