Aux noms d’Henri-Georges Clouzot, Catherine Breillat, Laurent Cantet, il faut désormais ajouter celui de Frédéric Proust à la liste des cinéastes niortais à avoir réalisé un long métrage de fiction. Si le créateur du Salaire de la peur était plutôt porté vers le thriller, la forme d’angoisse qui taraude le nouveau venu s’exprime différemment.
Frédéric Proust vous a probablement déjà fait rire. Le scénario et les dialogues de la série de Canal + H – avec Jamel Debbouze – c’était lui et son ami Bruno Nicolini alias Bénabar. « Nous avons écrit l’équivalent de sept films, raconte Frédéric. J’ai appris sur le tas, c’était très exigeant en termes de rythme de vannes. » Entre 2005 et 2009 il apparaît aux génériques de King Guillaume, Essaye-moi ou Safari, avec les Robin des Bois, Kad et Olivier... Il y endosse les habits de comédien et de scénariste.
L’approche de la cinquantaine le bouscule. « On n’est plus uniquement le déconneur qu’on veut rester le plus longtemps possible ». En 2011, il se lance dans la rédaction solitaire d’un scénario de long métrage. Ce sera 12 ans d’âge. L’histoire de deux amis, à l’heure de la retraite, en pleine forme, du temps devant eux pour renouer avec les bêtises. «Sur le modèle des comédies italiennes, les personnages sont animés par une profonde détresse. On rit mais on n’est pas dupe, explique le réalisateur. C'est un un peu Les Valseuses 30 ans plus tard. »
L’humour, forme d’élégance face à la conscience de notre finitude, telle pourrait être la ligne de conduite de Frédéric Proust. L’amitié, son moteur. Les arbitres de football de la ligue du Centre Ouest se souviennent sûrement des facéties qui ont jalonné sa « carrière » sur les terrains. Ses coéquipiers de l’UA Saint-Florent aussi. Des exemples : rentrer sur la pelouse avec des skis, ou, dans la campagne archi désertique, s’accrocher au grillage pour célébrer un but et enflammer des spectateurs imaginaires. Son carburant, une inébranlable foi en lui-même. « Rien ne me parait impossible.» Une force qui l’a conduit à quitter Niort à 19 ans pour se former dans une compagnie de théâtre bordelaise, puis de tenter l’aventure à Paris. « Là, personne ne te propose du travail. Tu es obligé de te battre.»
Ainsi, de hasards en rencontres a-t-il tracé son chemin à l’écran et devenu « celui qu’on a déjà vu quelque part mais on ne sait plus où » s’auto-caricature-t-il. Puis il a réalisé son film, dirigé une centaine de personnes, dont les comédiens François Berléand et Patrick Chesnais. « Je me sentais capable d’entendre et de voir mon film. Sur les aspects très techniques, je me suis appuyé sur des gens brillants à qui je disais : il n’est pas impossible que je raconte des conneries. Et je n’ai jamais été impressionné par les vedettes ».
Deux mois de préparation, deux mois de tournage en septembre et octobre derniers. Juste quelques semaines avant la naissance de ses jumeaux. « Mon expérience de comédien m’a aidé pour parler aux acteurs avec les mots qu’ils attendaient. Je me suis aussi servi de mon passage par les vestiaires de foot. Je me suis souvent vu dans la peau d’un entraîneur qui se sait jaugé par ses joueurs et doit gagner leur confiance. »
Frédéric Proust, joueur impénitent, aurait ainsi envoyé un ballon gonflé de tendresse vers la grosse lucarne du cinéma.
Karl Duquesnoy
(Mai-juin 2013)
Frédéric Proust en quelques dates
14 janvier 1963 : naissance à Niort
1982 : intègre la compagnie de théâtre bordelaise Fartov et Belcher
90’s : comédien de théâtre professionnel
1998-2002 : Ecriture de H avec Bénabar
2004 : Auteur de la série Demain le monde sur Canal plus
2005-2009 : Ecrit et joue dans Essaye-moi, Un ticket pour l’espace, Safari…
2008 : Interprète le rôle de Brice Lalonde dans Coluche, l’histoire d’un mec d’Antoine de Caunes
2012 : Réalisation de 12 ans d’âge
