Rencontrer Emmanuelle Grundmann, c’est partir à la découverte du monde que nous mettons chaque jour un peu plus en danger. La docteur es éthologie, protectrice des orangs-outans d’Indonésie, dresse un constat sans concession d’une Humanité qui ne respecte plus la Terre. Ses combats pour le respect de la biodiversité en font la digne héritière des Dian Fossey, Jane Goodall et Biruté Galdikas. Rencontre avec une militante – auteur – reporter sans fard.
- Pourquoi vous intéressez-vous à la défense de la biodiversité ?
Emmanuelle Grundmann : « Durant mes études d’éthologie (étude du comportement animal, NDLR), j’ai compris que protéger les orangs-outangs était un but complexe. Impossible d’imaginer une sauvegarde sans une vision globale. C’est ainsi que j’en suis venue à m’intéresser à la défense de la biodiversité. Lorsque toute petite (à l’âge de 6 ans, NDLR) j’ai indiqué à mes parents que je souhaitais devenir ornithnologue, je ne pensais pas devoir m’inscrire dans un contexte mondial.»
- Est-ce la raison de votre travail de mise en garde face aux plantations d’huile de palme ?
E.G. : « L’huile est utilisée depuis peu. Originaire d’Afrique de l’Ouest, le palmier à huile a été importée en Malaise en 1870 comme plante d’ornement. Dans les années 1960, les plantations ont envahi la Malaisie et l’Indonésie. Leur culture intensive, afin de satisfaire l’industrie agro-alimentaire, a provoqué une déforestation presque totale. L’île de Sulawesi (auparavant dénommée Célèbes, NDLR) est ainsi complètement chauve. Tout l’écosystème est détruit. Et quoi qu’en dise les industriels, les palmeraies ont un impact négatif sur des populations que l’on exploite. Le Pérou, l’Equateur et la Colombie commencent à subir le même fléau.»
- Quelles sont les solutions ? Doit-on supprimer ces palmeraies ?
E.G. : « Un mouvement s’amorce. De grands groupes, tels Danone et Leclerc, sont en train de mettre en place des produits de substitution. Ceci devrait aboutir d’ici 2012. On peut espérer un effet boule de neige. Mon intérêt pour la question de l’huile de palme ne m’empêche pas de pointer du doigt d’autres problèmes. La consommation excessive de viande, la déforestation… Nous, pays riches, allons piocher chez les pays pauvres. On confisque leurs richesses à notre seul profit ! Avec The Forest Trust, je milite pour la gestion durable des forêts via le label FSC. Pour ne plus voir d’utilisation de bois tropical rare comme à la gare d’Aix-en-Provence. Je vais intervenir dans les écoles d’architectes. Je travaille aussi sur le terrain dans un rôle de reporter (elle collabore avec les publications Terre Sauvage et Causette et préside l’association Aweli, NDLR). Je peux ainsi m’apercevoir que les exemples de réussite de protection de la nature existe. »
- Et les orangs-outans dans tout ça ?
E.G. : « J’essaie de leur consacrer du temps. On me dit parfois que je ferai mieux de m’occuper des enfants qui meurent de faim. Je crois que prendre soin des orangs-outans y contribue. Prenez l’exemple du travail de Dian Fossey pour la sauvegarde des gorilles au Rwanda. Aujourd’hui il permet à des milliers d’habitants de vivre. Ils ont compris que leurs grands singes avaient une valeur vivants. Protéger les gorilles a permis de protéger les hommes. Les orangs-outans sont en grand danger en Indonésie à cause de la déforestation, de la capture des petits pour en faire des animaux domestiques. A Tanjung Puting (Indonésie), nous recueillons des orphelins pour les réintroduire dans la nature. Mais leur espace vital ne cesse de diminuer. »
Propos recueillis par
David Birot